Marine Le Pen
Un sondage Ipsos pour le FT réalisé les 19 et 20 juin a révélé que le Rassemblement National de Marine Le Pen était le parti ou la coalition en qui les gens avaient le plus confiance pour prendre les bonnes décisions sur les questions économiques © Reuters

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Bienvenue dans notre édition spéciale de Europe Express dédiée aux élections françaises.

À la veille du premier tour des élections pour élire une nouvelle Assemblée nationale en France — suivi d’un second tour le 7 juillet — les électeurs semblent plus que jamais attirés par des politiques extrêmes.

Nous consacrons cette édition ainsi que les deux suivantes de Europe Express à la politique française, suite à la décision du président Emmanuel Macron, le 9 juin, de convoquer des élections anticipées qui menacent de bouleverser le courant politique dominant.

Ceci est l’édition en français, mais vous pouvez également la lire en anglais ici. Vous pouvez me contacter à l’adresse mail peggy.hollinger@ft.com.

Où en sommes-nous ?

Les sondages de cette semaine montrent qu’environ 36,5 per cent des voix au premier tour soutiennent le Rassemblement National, un parti d’extrême droite qui souhaite interdire aux binationaux certains postes publics et a déclaré une guerre culturelle à l’islam, comme révélé dans notre interview avec son chef Jordan Bardella. Ce score est en hausse par rapport aux 31 per cent sans précédent obtenus par le parti aux élections européennes récemment ce mois-ci.

En deuxième position avec 29 per cent, on trouve toujours le Nouveau Front Populaire, une alliance fragile entre le Parti Socialiste et La France Insoumise, farouchement anticapitaliste.

Un second tour entre les extrêmes semble probable dans la plupart des circonscriptions après le vote de demain, avec un centre modéré relégué à un rôle mineur dans le théâtre politique parlementaire français.

Faire barrage à l’extrême droite

Et pourtant... la participation électorale devrait atteindre 64 per cent ou plus, un niveau jamais vu lors des élections législatives depuis 20 ans. Cette semaine, tant de citoyens français à l’étranger se sont précipités pour voter par procuration que le site web du gouvernement a dû être temporairement suspendu pour faire face à la demande. Jeudi, le ministère de l’Intérieur a annoncé que 2,1 millions de procurations avaient été enregistrées jusqu’à présent, soit deux fois plus que lors des précédentes élections législatives.

Certains voient cela comme un signe que les Français répondent aux appels à « faire barrage » - ou à s’unir au-delà des lignes de parti - pour voter contre l’extrême droite dès le premier tour. Ils espèrent que les électeurs rejettent encore une fois le gouvernement par l’extrême, comme ils l’ont fait trois fois auparavant (2002, 2017 et 2022), lorsque le RN et son prédécesseur le Front National ont perdu face au centre-droit au second tour des élections présidentielles. Bruno Le Maire, ministre des Finances, a déclaré dans une interview sur la chaîne économique BFM que « Je me réjouis de ce sursaut…Je le vois comme une prise de conscience que l’avenir de la France cette fois-ci est réellement en jeu. »

Mais tout le monde n’est pas aussi optimiste. Un député centriste vétéran luttant pour conserver son siège, m’a confié cette semaine que la profondeur de l’animosité des électeurs envers Macron et son style de gouvernance autocratique a dévasté le centre qu’il cherchait à diriger, plongeant sous le choc même les ministres en campagne. « L’un d’eux m’a appelé la semaine dernière pour me dire que nous serons balayés, » a-t-il dit. Le candidat a supprimé toute mention de Macron ou de son alliance Ensemble de ses brochures de campagne, mais cela n’a pas empêché les électeurs de l’invectiver dans la rue ou sur les réseaux sociaux.

L’ère Macron - qui a commencé avec la promesse d’une France dynamique et revigorée et a conduit à un taux d’emploi record ainsi qu’à une vague de nouvelles startups - semble toucher à sa fin dans un brouillard de colère et de frustration. Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI, dissèque les quatre actes de la tragédie Macron ici.

Mais toute la faute ne peut être imputée à l’actuel président, dit le politologue Olivier Roy dans cet essai réfléchi. L’histoire s’est construite depuis des décennies, avec une société française ne se retrouvant plus dans les institutions et les pratiques de la Cinquième République.

Lorsque la gauche s’est ralliée pour soutenir le centre-droit Jacques Chirac contre le fondateur du FN, Jean-Marie Le Pen, lors de la course présidentielle de 2002, des gens de tous bords politiques étaient prêts à défendre l’État et ses institutions, dit Roy.

Mais c’était à une époque où les différents partis se voyaient enracinés dans une histoire commune et avaient des liens profonds avec la politique locale, où les compromis et les relations personnelles avec les opposants étaient essentiels. Ce n’est plus le cas.

Puis Macron, suivant une tendance initiée par Nicolas Sarkozy, président de 2007 à 2012, a tenté de contourner les institutions françaises, dit Roy.

Ce mépris pour l’État profond a été accompagné d’un mépris pour la politique traditionnelle,” écrit Roy. “L’arrivée du RN au gouvernement pourrait entraîner, non pas une rupture complète, mais plutôt une intensification des tendances déjà évidentes.

Devoirs d’économie

Pour revenir à la campagne, les sondages de cette semaine suggèrent que les électeurs font plus confiance au RN, pourtant inexpérimenté, qu’aux centristes ou à la gauche pour gérer l’économie. Cela montre que la stratégie de Le Pen de « dédiabolisation » (ses mots) du RN, le dépeignant comme le champion des petites entreprises et des gens ordinaires, a atteint son objectif, même si les politiques économiques du parti sont rudimentaires, confuses et susceptibles de déclencher une série de défis juridiques à Bruxelles.

Lundi, Jordan Bardella - le chef du parti âgé de 28 ans qui sera Premier ministre si le RN remporte une majorité - a dévoilé son programme économique. Il est revenu sur certaines des politiques les plus coûteuses, reportant par exemple l’annulation des réformes des retraites. Mais une grande partie du programme n’est toujours pas financée. Le chroniqueur des Echos, Etienne Lefebvre, l’a décrit comme rien de plus qu’une « tromperie budgétaire », malgré les affirmations de Jordan Bardella qu’il voulait être fiscalement responsable.

Pendant ce temps, les dirigeants d’entreprises se demandent comment ils devraient réagir si le RN remportait une majorité, ou même la plus grande part des sièges à l’Assemblée nationale. Malgré des années de gestion soignée de leur image, le RN n’a pas entièrement perdu sa réputation de nationalisme toxique. L’élection de dizaines de députés inexpérimentés est susceptible de révéler certains courants particulièrement désagréables du mouvement populiste. « Nous essayons de décider comment les aborder, qui rencontrer et s’il faut ou non leur demander de défendre certaines de nos politiques, » a déclaré un cadre cette semaine.

Néanmoins, certains chefs d’entreprise ont déjà commencé à courtiser le parti, jugeant que le programme économique naissant du RN a plus de chance d’advenir que celui d’une coalition de gauche avec La France Insoumise, farouchement anticapitaliste.

« C’est un choix entre deux maux, » a confié le président d’une grande entreprise française. « Les politiques folles du NFP ont en fait rendu le RN raisonnable en comparaison. Mais certaines des propositions du RN nous mettront en conflit direct avec l’Europe. Les entreprises redoutent cela, et les conséquences pour les taux d’emprunt de la France. Cela nous coûtera plus cher. »

Certains chefs d’entreprise pourraient même aller plus loin. Deux médias français, Le Monde et Mediapart, ont détaillé l’exposition donnée aux vues et aux candidats du RN sur les chaînes appartenant au magnat des médias Vincent Bolloré. Jeudi, le régulateur des médias français a mis en garde Europe1, propriété de Bolloré, pour un « manque de mesure et d’honnêteté » dans les commentaires électoraux du présentateur pro-RN Cyril Hanouna.

Alors, que se passe-t-il maintenant ?

Marine Le Pen, architecte de la « normalisation » du RN, a su habilement contrôler l’image du parti depuis les 13 années où elle a succédé à son père, Jean-Marie. Cependant, dans les derniers jours de la campagne, sa maîtrise - même sur elle-même - pourrait vaciller. En parlant au média régional Le Télégramme, Le Pen a décrit le rôle du président en tant que chef des armées comme « un titre honorifique puisque c’est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse ». En une courte phrase, Le Pen a non seulement remis en cause l’institution de l’exécutif puissant de la France, mais aussi la constitution elle-même. Ses commentaires, qu’elle a ensuite partiellement rétractés, ont donné aux opposants du RN dans le débat télévisé de jeudi, de nombreuses occasions de soulever des doutes sur l’engagement du parti à travailler avec l’exécutif dans tout gouvernement en cohabitation.

Cette gaffe m’a rappelé une interview que j’ai réalisée avec Le Pen en 2011, juste un mois après qu’elle a pris la direction du RN, alors appelé le Front National. Elle était bien préparée pour les questions sur la réputation du parti en matière d’antisémitisme et de racisme. Pas autant, cependant, pour la question soudaine de savoir si elle approuverait que sa fille épouse un musulman. Instinctivement, elle a répondu - « Je la mettrais en garde contre... » - puis elle s’est arrêtée, revenant rapidement sur le sujet et changeant de sujet. C’était un bref moment, mais suffisant.

Je lui ai également demandé quelle était sa mission en tant que nouvelle dirigeante de l’extrême droite. « Je suis ici pour bâtir l’accession du Front National au pouvoir, » m’a-t-elle dit avec une conviction absolue.

Au cours de la semaine prochaine, elle pourrait bien réaliser cette ambition.

Plus sur ce sujet

Hugh Schofield de la BBC plonge dans la vie familiale et les influences de Marine Le Pen pour comprendre la « normalisation » du plus grand parti d’extrême droite de France. Cet article, bien que rédigé en 2017, lorsque Le Pen défiait Macron à l’élection présidentielle, reste l’une des meilleures analyses de la normalisation du RN que j’aie lues.

Les choix de Peggy de la semaine

  • Merci à Simon Kuper pour avoir expliqué pourquoi la France n’est peut-être pas aussi perdue que les Français le pensent!

  • Si vous avez besoin d’une pause des élections en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni, alors cet essai sur l’argot des adolescents par l’essayiste canadien Stephen Marche est une lecture divertissante. Vous pourriez même commencer à comprendre vos propres enfants.

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